Comment les migrants vénézuéliens partagent-ils des informations avec leurs réseaux sur le SISBEN en Colombie ?

Comment les migrants vénézuéliens partagent-ils des informations avec leurs réseaux sur le SISBEN en Colombie ?

Medellin Colombie © 2023 IPA
Medellin, Colombie. © 2023 IPA

Des chercheurs se sont associés à l'IPA Colombie pour mesurer la diffusion des informations sur SISBEN – un système de données destiné à éclairer les programmes de protection sociale – au sein des réseaux sociaux de migrants vénézuéliens. Les réseaux sociaux ont connu une croissance significative et une expansion géographique, mais la diffusion de l'information a dépassé celle des informations exactes, soulignant ainsi le potentiel des réseaux de migrants à amplifier l'information, mais aussi à exposer le risque de désinformation.

L'intégration des populations migrantes à grande échelle dans les systèmes nationaux de protection sociale représente un défi politique urgent dans les régions confrontées à d'importants déplacements humanitaires. Par exemple, la Colombie demeure la principale destination des migrants vénézuéliens déplacés, accueillant plus de 2.8 millions de migrants depuis 2017. Le gouvernement colombien a régularisé le statut d'immigration des migrants grâce au Statut de protection temporaire pour les Vénézuéliens (ETPV) à partir de 2021, grâce auquel près de 2 millions de migrants ont été enregistrés et ont bénéficié d'une protection temporaire. Le gouvernement cherche également à les enregistrer dans le SISBEN, un système d'information contenant des données sur la situation économique et sociale d'une population, utilisé pour éclairer la mise en œuvre des programmes de protection sociale. Cependant, l'enregistrement des migrants est lent en raison d'idées fausses, d'une méconnaissance du système et d'une méfiance quant au partage des informations personnelles avec un nouveau programme. 

Des chercheurs se sont associés à l'IPA Colombie pour mesurer la diffusion des informations sur SISBEN sur les réseaux sociaux des migrants vénézuéliens. Pour ce faire, ils ont envoyé des messages WhatsApp aux migrants éligibles ayant préalablement demandé leur inscription à SISBEN, les invitant à recommander d'autres migrants pour participer à l'étude et en apprendre davantage sur SISBEN. Ces personnes ont ensuite envoyé aux chercheurs un code unique via WhatsApp pour s'inscrire à l'étude. Une fois éligibles, les personnes recommandées ont reçu des messages WhatsApp les encourageant à recommander des migrants de leurs réseaux pour participer. Les chercheurs ont collecté deux autres vagues de recommandations afin d'identifier la diffusion d'informations (par exemple, les mythes et les connaissances sur SISBEN) et les acteurs clés du réseau social. Des enquêtes menées à la fin de l'intervention, complétées par les migrants initiaux et leurs personnes recommandées, portaient sur les tentatives des migrants de recommander d'autres migrants à l'étude.

Grâce aux informations recueillies à partir de ces enquêtes et aux réseaux cartographiés dans la dynamique de référence, les chercheurs ont caractérisé la transmission d'informations correctes et incorrectes sur le SISBEN à travers les sous-réseaux, les principaux canaux de contact et de transmission d'informations pour la population migrante, l'expansion géographique des réseaux de migrants à travers le pays et les supernœuds qui servent de leaders au sein des communautés qui sont fondamentaux pour comprendre la dynamique du réseau. 

Les réseaux sociaux de migrants se sont considérablement développés, se multipliant par huit en trois vagues de référencement en seulement six semaines. Ils ont également connu une expansion géographique, passant de 5 à 63 communes et de 2 à 20 départements. Cependant, la diffusion de fausses informations a dépassé celle des informations exactes : les messages erronés ont été 8.9 fois plus nombreux que les informations exactes, contre 7.5 fois plus. Ces résultats soulignent le potentiel des réseaux de migrants pour amplifier l'information, mais aussi le risque de désinformation. Un enjeu politique majeur consiste à exploiter efficacement ces réseaux pour accroître l'inscription au SISBEN tout en limitant la diffusion d'informations inexactes.