L'inclusion financière peut-elle changer les normes de genre ?

L'inclusion financière peut-elle changer les normes de genre ?

Blocs de contenu du modèle G
Sous-éditeur

Note de l'éditeur : ce cross-post est apparu à l'origine sur le CGAP blogue

Imaginez une jeune femme mariée vivant dans un petit village de l'Inde rurale. Si les possibilités de travailler dans le village sont limitées, elle peut choisir de compléter les revenus de son ménage en participant au programme fédéral de travail obligatoire — le Mahatma Gandhi National Rural Employment Guarantee Scheme (MGNREGS) — qui offre aux ménages ruraux jusqu'à 100 jours de travail à un salaire minimum fixe. Dans ce scénario, les salaires qu'elle gagne grâce à ce programme sont déposés sur un compte familial unique, qui est détenu au nom de son mari. Que se passe-t-il ensuite ? Si cela est conforme aux normes d'identité de genre en vigueur dans certaines parties de l'Inde rurale, son mari peut décider comment son salaire est dépensé ou exiger qu'elle soit accompagnée d'un parent masculin lorsqu'elle se rend au marché du village pour utiliser ses revenus. Dans ce scénario, notre protagoniste imaginaire travaille et dépose ses gains sur un compte bancaire officiel.

Mais cela signifie-t-il qu'elle est économiquement autonome ?

9255951514_129ccaa2ab_c.jpg
 

Le 14 novembre 2016, Innovations for Poverty Action and CGAP, avec le soutien de la Fondation Bill & Melinda Gates, a convoqué un groupe de chercheurs, de praticiens et de donateurs pour un atelier d'une journée à Washington, DC, afin d'explorer cette question et d'autres concernant le genre et l'inclusion financière. En plus de discuter de l'offre et des contraintes réglementaires légales auxquelles sont confrontées les femmes pour accéder aux services financiers, une partie de l'ordre du jour a abordé le rôle des interventions d'inclusion financière dans la réponse aux contraintes des normes sociales qui peuvent limiter les résultats économiques des femmes. La discussion a inclus des preuves rigoureuses sur deux approches parallèles prometteuses pour travailler dans cet espace : les approches qui se concentrent sur l'atténuation des symptômes de ces normes pour améliorer l'accès au financement, et les approches qui ont le potentiel de changer elles-mêmes les normes de genre dominantes.

Un nombre croissant de preuves montre qu'à court terme, les interventions conçues en gardant à l'esprit les obstacles spécifiques liés au genre peuvent permettre aux femmes d'utiliser plus facilement des outils financiers pour surmonter les normes de genre qui limitent leur vie économique. Par exemple, Nathalie Rigol de l'Université de Harvard a présenté une étude qui cherchait à accroître les résultats commerciaux des femmes. En Inde, un pays où les normes de genre sont particulièrement restrictives, son équipe a identifié le manque de soutien par les pairs parmi les femmes entrepreneurs comme un obstacle important limitant l'inclusion financière. Ils ont émis l'hypothèse que l'implication d'un ami dans un programme de formation de deux jours pourrait permettre aux femmes de renforcer leurs réseaux de soutien social et ainsi avoir un impact sur les résultats économiques. Une évaluation rigoureuse a révélé que le fait d'inviter les femmes à un programme de formation commerciale avec un ami (par rapport à la participation seule) a conduit les participantes à doubler leur demande de prêts et à développer considérablement leur activité commerciale, ce qui a entraîné une augmentation des revenus du ménage.

Ces résultats montrent comment les innovations en matière de conception peuvent améliorer la réussite économique des femmes à court terme, mais ils ne nous disent pas grand-chose sur la question de savoir si elles ont entraîné des changements à long terme dans l'autonomisation des femmes en tant que décideurs (par exemple, quel contrôle elles avaient sur comment les prêts ont été investis dans leurs entreprises et les revenus ont été dépensés dans le ménage). C'est une question importante : l'inclusion financière peut-elle jouer un rôle dans le changement de la position de négociation des femmes au sein du ménage et contribuer à long terme aux impacts sur l'autonomisation des femmes, voire même changer les normes de genre elles-mêmes ?

Présentateurs Jenny Akker de l'Université Tufts, Simone Schaner of Dartmouth College et Rigol ont produit des preuves suggérant que les produits financiers qui offrent aux femmes une plus grande confidentialité et un meilleur contrôle sur leurs propres fonds peuvent, en fait, augmenter leur pouvoir de négociation économique à plus long terme. Un exemple du Niger a testé l'impact des transferts de prestations sociales par voie électronique, par rapport aux transferts en espèces. Les femmes qui ont reçu leurs transferts par voie électronique, ce qui leur a permis de recevoir des ressources directement sur leur compte avec une plus grande confidentialité et un meilleur contrôle sur le transfert, ont signalé un accès accru aux terres partagées avec leurs conjoints, une mobilité améliorée et une plus grande implication dans les activités agricoles clés. De plus, la réception de paiements par voie électronique a conduit les bénéficiaires à dépenser plus d'argent pour l'habillement et une alimentation plus diversifiée pour le ménage, ce qui suggère que les femmes avaient acquis plus de contrôle sur les décisions de dépenses du ménage.

A approche similaire en Inde a ouvert des comptes bancaires et dispensé une formation de base en matière de littératie financière aux femmes employées du programme MGNREGS. Ceux qui ont reçu la formation et ont reçu le transfert du gouvernement sur leurs comptes, par rapport à ceux qui ont reçu le transfert sur un compte de ménage conjoint, étaient plus susceptibles d'avoir travaillé contre rémunération au cours de l'année précédente, d'avoir déclaré des revenus plus élevés et d'avoir fait des achats avec leur propre compte. argent. Le fait de pouvoir contrôler l'utilisation finale de leurs propres revenus peut avoir supprimé les désincitations pour ces femmes à participer à la population active. L'impact a été particulièrement prononcé chez les femmes issues de castes traditionnellement limitées par des normes de genre restrictives.

Les femmes sont confrontées à une variété de contraintes, du côté de l'offre, des normes juridiques, réglementaires et sociales, qui limitent toutes les résultats économiques et agissent comme des obstacles au succès. L'effort d'autonomisation des femmes par le biais de l'inclusion financière nécessite plus que la simple fourniture de produits financiers aux femmes. Les premières preuves suggèrent que les produits financiers conçus en tenant compte des normes de genre permettent non seulement aux femmes de faire face aux contraintes causées par les normes sociales en vigueur, mais qu'ils ont la capacité d'affecter eux-mêmes les normes sous-jacentes.

Néanmoins, changer les normes est un processus long et non linéaire, et les chercheurs ont encore du travail à faire pour évaluer leurs impacts à long terme et confirmer que nous travaillons à la réalisation d'améliorations durables et significatives pour les femmes.

31 janvier 2017