L'épargne stratégique des ménages au Kenya

L'épargne stratégique des ménages au Kenya

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Abstract

Quelle est l'importance des différences d'opinion au sein du ménage pour la prise de décisions financières ? Dans cette étude, les couples mariés du Kenya rural ont eu la possibilité d'ouvrir des comptes bancaires conjoints et individuels à des taux d'intérêt attribués au hasard. Les chercheurs ont évalué si des couples ayant des préférences différentes travaillaient ensemble pour épargner dans le compte au rendement le plus élevé, ou si ces différences entraînaient de mauvais choix financiers. Les résultats ont indiqué que lorsque les préférences d'épargne du ménage divergeaient, les individus étaient plus susceptibles de préférer les comptes individuels et prenaient des décisions financières moins efficaces. 

Question de politique

Malgré leurs faibles revenus, les individus des pays en développement épargnent en utilisant une grande variété de dispositifs d'épargne informels comme les associations d'épargne et de crédit rotatives illiquides. Les chercheurs ont largement noté la popularité de ces dispositifs informels et une énigme qui en découle : ces dispositifs sont souvent risqués, complexes et coûteux par rapport à des alternatives simples, telles que le stockage de l'épargne à la maison. Qu'est-ce qui rend alors attrayantes ces pratiques d'économies coûteuses ? De manière anecdotique, de nombreux épargnants informels citent la nécessité de protéger l'épargne contre le détournement par d'autres membres du ménage, en particulier les conjoints. Quelle est l'importance de ce besoin dans la détermination des choix d'épargne individuels ? Cela devient-il plus important à mesure que les préférences individuelles quant au montant à épargner divergent ? Et combien les individus sont-ils prêts à sacrifier pour obtenir un contrôle supplémentaire sur les niveaux d'épargne des ménages ?

Contexte de l'évaluation

Alors que les services financiers formels au Kenya ont traditionnellement été hors de portée des pauvres, les banques ont récemment commencé à offrir des produits d'épargne formels à moindre coût commercialisés auprès d'un plus large éventail de la population. Ce projet a été mis en œuvre en collaboration avec Family Bank, une banque formelle au Kenya qui propose des produits adaptés aux épargnants à faible revenu. Family Bank offre aux épargnants la possibilité de disposer à la fois de comptes individuels, accessibles uniquement au titulaire du compte, et de comptes joints. Lorsque les conjoints détiennent conjointement un compte, l'un ou l'autre des membres peut effectuer des dépôts et des retraits à volonté.

Détails de l'intervention

Tous les couples mariés participant à l'intervention ont eu la possibilité d'ouvrir jusqu'à trois comptes auprès de Family Bank : un compte individuel pour le mari, un compte individuel pour la femme et un compte joint. Chaque compte s'est vu attribuer au hasard un taux d'intérêt temporaire sur 6 mois, qui variait de zéro pour cent (la norme pour les comptes Family Bank) à 10 pour cent. L'intervention sur les taux d'intérêt a par conséquent créé une variation aléatoire non seulement du taux de rendement absolu disponible pour un couple, mais également des taux de rendement relatifs entre les trois comptes différents. Cela offrait un moyen simple de mesurer le comportement d'épargne efficace : un couple efficace devrait toujours choisir d'épargner sur le compte avec le taux de rendement le plus élevé.

En plus de l'intervention sur les taux d'intérêt, la moitié des couples ayant ouvert au moins un compte individuel ont été sélectionnés au hasard pour un traitement de partage d'informations. Le but de ce traitement était de tester si les comptes individuels étaient utilisés pour cacher des informations aux conjoints. Ce traitement a permis au conjoint d'un titulaire de compte individuel de récupérer des informations sur le solde du compte individuel auprès de la banque (à condition que le conjoint et le titulaire du compte aient consenti au traitement de partage d'informations).

Enfin, tous les couples de l'intervention ont répondu à une série de questions au départ pour mesurer les niveaux de patience et les préférences par rapport aux niveaux d'épargne. Ces questions ont été utilisées pour construire une mesure de l'hétérogénéité des préférences dans le ménage. Les personnes ont également été interrogées sur leur propre utilisation et celle de leur conjoint d'une variété de dispositifs d'épargne - cette information a été utilisée pour construire une mesure du degré d'information des conjoints sur les finances de l'autre.

Résultats et enseignements politiques

Réponses aux taux d'intérêt expérimentaux

Tous les couples ont répondu vigoureusement aux taux d'intérêt expérimentaux. Cependant, les couples ayant des préférences d'épargne mal alignées (les « mauvais appariés ») étaient plus de deux fois plus susceptibles d'épargner dans des comptes individuels et 34 % moins susceptibles d'épargner dans des comptes conjoints. De plus, les couples mal appariés étaient insensibles aux taux de rendement relatifs entre les trois différents comptes proposés. En revanche, les couples qui étaient bien appariés sur les préférences d'épargne ont répondu de manière robuste aux taux de rendement relatifs. Par conséquent, les couples mal appariés ont sacrifié au moins 52 % de revenus potentiels de taux d'intérêt supplémentaires par rapport à leurs pairs bien appariés.

Réponses à l'intervention de partage d'informations

Plus de 40 % des couples sélectionnés pour l'intervention de partage d'informations n'y ont pas consenti, ce qui suggère que les comptes individuels sont utilisés pour cacher des ressources aux conjoints. De plus, les couples qui étaient mal informés sur les finances de l'autre au départ étaient significativement moins susceptibles de donner leur consentement. Ces couples mal informés étaient également significativement plus susceptibles d'épargner sur des comptes individuels et légèrement moins susceptibles d'épargner sur des comptes conjoints. Cependant, les mesures du partage d'informations au sein du ménage et de l'hétérogénéité des préférences n'étaient pas corrélées entre elles.

Globalement, ces résultats suggèrent que lorsque les préférences d'épargne du ménage divergent, les individus exploitent stratégiquement les dispositifs d'épargne sécurisés pour contrôler le niveau global d'épargne du ménage. Cependant, même lorsque les préférences sur le montant à épargner sont bien alignées, les individus peuvent toujours apprécier les comptes sécurisés si ces comptes leur permettent de cacher leurs économies aux autres.

Pour en savoir plus sur cette recherche de Simone Schaner, cliquez ici

21 mai 2014